Prévenir le non-recours aux prestations sociales
10 avril 2025 | Lecture 4 min.

Près d'un tiers des personnes ayant droit à des prestations sociales n'y ont pas recours. Les inciter à le faire peut leur éviter d'aggraver leur situation. Éclairage.
L’aide sociale est-elle un droit? Tout le monde n'est pas d'accord sur ce point ce qui laisse de potentiel-les demandeuses et demandeurs dans l'incertitude.
À Genève, l'Hospice général l'a affirmé haut et fort lors d'une campagne menée à la fin de l'année dernière avec le slogan «L'aide sociale est un droitLe lien s'ouvre dans un nouvel onglet.». Selon la directrice de la communication de l'Hospice général, Anne Nouspikel, de nombreuses études montrent que près d’un tiers des personnes qui pourraient avoir droit à une aide sociale ne la sollicitent pas, un phénomène que plusieurs pays européens et, à l’échelle suisse, d’autres cantons tentent de contrer.
Les raisons du non-recours sont multiples: manque d’informations, phobie administrative, sentiment de honte, etc.
Pour la Genevoise, les raisons de ce non-recours sont multiples: manque d’informations, phobie administrative, sentiment de honte, etc. Une prise en charge précoce, avec un accompagnement social adapté, permet d’éviter qu’un problème non résolu en amène un autre et qu’une situation ne se détériore avec le temps. L’objectif de la campagne était donc clair: inciter les personnes en difficulté à ne pas attendre pour demander de l’aide.
Les cantons à la rescousse
Pour d'autres cantons, l'avis est plus nuancé. Ainsi à Fribourg, qui a pourtant été le premier canton à mettre en place un guichet unique d'orientation sociale avec «Fribourg pour tousLe lien s'ouvre dans un nouvel onglet.»*, l’aide sociale est subsidiaire: on recourt en premier lieu à d’autres assistances privées ou publiques. Cependant, Caritas Fribourg vient d'ouvrir des permanences sociales dans tous les districts du canton avec le soutien de l'État de Fribourg.
Le Jura a lui aussi mené une campagne de lutte contre le non-recours aux prestations sociales sous l’appellation JU-lien.orgLe lien s'ouvre dans un nouvel onglet. au début de l'été dernier. Une réussite: l’objectif de mobiliser 100 personnes non recourantes a été largement dépassé avec 145 demandes au total, dont 117 (soit plus de 80%) provenant de personnes ou de ménages sans aucun suivi social en cours.
Neuchâtel a créé la Plateforme PrécaritéLe lien s'ouvre dans un nouvel onglet. lors de la crise du Covid. Elle rassemble les prestataires sociaux du canton, dont Caritas Neuchâtel. Elle va donner naissance à un projet novateur. Un groupe de travail a planché sur la possibilité d'une application gérée par l'I.A. (intelligence artificielle) qui répondra aux questions des personnes ayant besoin d'une prestation sociale.
Réussir à activer ses droits
Enfin pour la sociologue Émilie Rosenstein, professeure à la Haute école de travail sociale et de la santé Lausanne (HETSL | HES-SO), responsable de l’Observatoire des précarité, les raisons du non-recours sont multiples: la peur de la stigmatisation, le sentiment de déclassement pour des personnes qui ne se reconnaissent pas dans le profil de celles qui font appel à ces prestations ou la complexité des dispositifs pour accéder à l’aide. La sociologue est l'auteur d'une étude qualitative sur le non-recours au revenu d'insertion pour la Direction de la cohésion sociale (DGCS) du canton de Vaud qui devrait être publiée ce printemps. Évoquant le programme «Vaud pour vousLe lien s'ouvre dans un nouvel onglet.», qui doit permettre à chaque personne habitant le canton d’être informée et accompagnée gratuitement lors de difficultés momentanées ou durables, Émilie Rosenstein cite aussi l'initiative OasisLe lien s'ouvre dans un nouvel onglet., issue de l'Association régionale d’action sociale (ARAS) du Jura-Nord vaudois qui réunit les 73 communes du district. En proposant un contact téléphonique anonyme ou via un code QR, ce dispositif mobile permet d'aller voir, en région rurale notamment, les personnes qui ne pousseraient peut-être pas la porte d'un guichet social.
Elle souligne que ce mouvement général contre le non-recours vient à la fois du milieu des travailleurs sociaux, qui, malgré l'augmentation de leurs charges et le manque de main-d’œuvre qualifiée, rappellent que leur mission première est de réussir à activer les droits des personnes qui en ont besoin.
Il vient aussi d'une partie du milieu politique qui affirme que de ne rien faire face au non-recours, c'est très souvent en payer plus tard le prix à des montants bien plus élevés en raison d'un processus de précarisation et d'endettement qu'on a laissé courir. Lutter contre le non-recours est donc un investissement, mais c'est aussi une question éthique touchant au droit citoyen qui est de permettre à tout un chacun d'avoir accès aux prestations et aux services auxquels elle et il peut légitimement prétendre.
Pour aller plus loin:
- Vaud: «Vaud pour vous»Le lien s'ouvre dans un nouvel onglet.
- Jura-Nord vaudois: Oasis JunovaLe lien s'ouvre dans un nouvel onglet.
- Jura: Ju-lienLe lien s'ouvre dans un nouvel onglet.
- Fribourg: Fribourg pour tousLe lien s'ouvre dans un nouvel onglet.
- Genève: Ça peut arriverLe lien s'ouvre dans un nouvel onglet.
- Neuchâtel: Ensemble-neLe lien s'ouvre dans un nouvel onglet.

Cet article est paru dans le «Caritas.mag». Le magazine des organisations Caritas régionales paraît deux fois par an.
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