Soutien social et juridique

Fondation privée d’utilité publique suisse, Pro Senectute a été fondée en 1917, à une époque d’extrême précarité pour les personnes âgées. Aujourd’hui, le spectre de la pauvreté des aîné-es rôde de nouveau. Point de situation avec Alain Huber, directeur de Pro Senectute.

En 2025, y a-t-il un appauvrissement plus important chez les personnes âgées que vous suivez chez Pro SenectuteLe lien s'ouvre dans un nouvel onglet.?

Selon les études menées en 2009 et en 2022 dans le cadre de l’Observatoire national de la vieillesse, le pourcentage de personnes âgées en situation de précarité n’a pas progressé, mais comme la population âgée augmente, cela touche un plus grand nombre de personnes. La 13e rente AVS pourrait apporter une aide, mais elle ne résoudra pas les problèmes des plus précaires. L'aide ciblée via les prestations complémentaires et l'aide d'urgence restent essentielles.

L’accompagnement à domicile – contrairement aux soins – n’est souvent pas couvert par les assurances sociales, ce qui le rend inabordable pour beaucoup.

Par ailleurs, la pauvreté touche de plus en plus les personnes très âgées – en particulier à partir de 80 ans –, période de la vie où les besoins en soins et en accompagnement s’intensifient fortement. Un problème central réside dans le fait que l’accompagnement à domicile – contrairement aux soins – n’est souvent pas couvert par les assurances sociales, ce qui le rend inabordable pour beaucoup. Cette lacune touche surtout les personnes vivant seules ou socialement isolées, dont le nombre est également en hausse.


Pro Senectute peut-elle aider les seniors qui n'arrivent plus à payer leurs primes d’assurance maladie en constante augmentation ou qui ne peuvent plus les payer à temps en raison des retards de versement de leur rente AVS?

Pro Senectute aide principalement en offrant des consultations sociales, avec des bureaux dans toute la Suisse, mais elle soutient aussi les personnes âgées en difficulté financière par des aides d’urgence et les réoriente vers les services compétents. Cependant, l'impact des primes d'assurance maladie sur les finances des retraité-es est un problème croissant.

L'impact des primes d'assurance maladie sur les finances des retraité-es est un problème croissant.


Quelle part de votre budget provient de la Confédération, des cantons et des fonds privés?

Pro Senectute reçoit des subventions fédérales couvrant jusqu’à 50% des charges pour la consultation sociale. Le reste serait à la charge des cantons et des communes, mais ce n’est pas le cas partout. Nous devons souvent compléter avec des fonds privés, notamment pour les aides financières individuelles (AFI).

200’000

seniors vivent en dessous du seuil de pauvreté en Suisse

100’000

autres ont tout juste ce qu’il faut pour vivre

46’000

d’entre eux vivent dans une extrême pauvreté


Avez-vous des partenariats avec d'autres associations de soutien aux personnes?

Les organisations cantonales et intercantonales de Pro Senectute travaillent avec d’autres associations comme Caritas ou le CSPLe lien s'ouvre dans un nouvel onglet.. Il existe des réseaux de coopération, mais chaque canton a son organisation indépendante. Il n’est pas nécessaire de «se battre» pour les clients, l'objectif est d’offrir des solutions aux personnes âgées, quelle que soit l’organisation qu’elles choisissent.


Quels sont les défis financiers à venir pour Pro Senectute?

Pro Senectute dans son ensemble est financièrement stable pour les prochaines années, mais la démographie change rapidement avec un grand nombre de baby-boomers arrivant à la retraite. La précarité pourrait augmenter, bien que les générations actuelles bénéficient de meilleures conditions que celles du passé.


Combien de retraité-es bénéficient de vos services et faut-il être membre de Pro Senectute pour en bénéficier?

Pro Senectute aide environ 700’000 retraité-es, soit celles et ceux qui ont fait appel à ses services au moins une fois. Il n’est pas nécessaire d’être membre pour consulter, mais les personnes qui adhèrent à certains clubs peuvent bénéficier de réductions. Toute personne recevant une rente AVS ou une autre pension peut nous consulter à partir de 60 ans. Nous avons environ 67’000 consultations par an.

Mais à côté, il y a 480’000 participant-es à nos cours – cela peut être des cours de langue, du vélo électrique, de la gymnastique, de l’aquagym, ou même de la gym à domicile. Enfin, nous avons aussi l’aide à domicile, avec environ 1,5 million de missions par an: livraison de repas, transports, visites d’anniversaire. C’est l’ensemble de cette palette de prestations qui représente ce chiffre global.

26,6%

des 55 ans et plus souffrent de solitude en Suisse

444’500

Ce qui représente 444’500 personnes

36,8%

des 85 ans et plus se sentent seul-es

 


Comment abordez-vous le problème de la solitude, souvent liée à la précarité?

L’aide aux repas est centrale: dans certains cantons, on ne se contente pas de livrer le repas, on prend aussi du temps pour parler, voir si tout va bien. Nous avons aussi les «tables de midi», où l’on cuisine et mange ensemble, ou des visites d’anniversaire par des bénévoles. Les cours sont également conçus comme des espaces de rencontre: le but n’est pas seulement d’apprendre, mais de créer du lien. Si quelqu’un n’a pas les moyens, nous trouvons des financements pour garantir l’accessibilité.


Il y a aussi la solitude «existentielle», ressentie même en étant entouré, notamment en EMS. Qu’en pensez-vous?

C’est une distinction importante: être seul-e ne signifie pas forcément ressentir la solitude, et inversement. On peut être entouré et se sentir profondément isolé. Ce vécu est très personnel. Et la solitude n’est pas réservée aux personnes âgées: elle touche aussi les jeunes. Mais avec l’âge, la perte progressive des proches rend le risque d’isolement plus grand, surtout si la personne n’a pas la force ou la possibilité de recréer du lien à 80 ou 85 ans.

C’est une distinction importante: être seul-e ne signifie pas forcément ressentir la solitude, et inversement.


Et comment trouvez-vous les personnes isolées qui ne viennent pas vers vous?

C’est un vrai défi. Nous avons mené plusieurs études sur ce sujet. Par exemple, une étude a montré que les migrant-es en faisaient partie et nous a conduits à traduire nos brochures en douze langues. Avec l’intelligence artificielle, c’est plus simple aujourd’hui, mais cela reste coûteux et complexe. Nous cherchons constamment des solutions pour atteindre ceux qui échappent à nos services. 

Cet article est paru dans le «Caritas.mag». Le magazine des organisations Caritas régionales paraît deux fois par an.

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