Soutien social et juridique

Sortir d’une situation de surendettement est aujourd’hui très difficile. Ce mauvais pronostic ne nuit pas seulement aux personnes concernées: il coûte aussi très cher à la collectivité. Pourtant, de bonnes solutions existent.  

Hypothèques, crédits… l'endettement fait partie intégrante de notre système économique. Sans dette, notre économie ne fonctionne pas. Pourtant, le surendettement est l'un des plus grands tabous de notre société. On ne parle pas d'argent, et encore moins de dettes.

Quand parle-t-on de surendettement?

Les dettes ne deviennent un problème que lorsqu'elles ne sont pas remboursées dans les délais. On parle de surendettement lorsque des obligations de paiement ne peuvent pas être honorées, ou ne peuvent pas être honorées à temps.

Rien d’étonnant, dès lors, à ce que les personnes endettées attendent souvent des années avant de chercher de l’aide: 40% des personnes qui s’adressent à nos services de conseil en matière d'endettement sont endettées depuis plus de cinq ans, et un quart d'entre elles depuis plus de dix ans. Pendant toutes ces années, la montagne des dettes grandit sans cesse, et les chances de parvenir à les rembourser un jour s'amenuisent.

En Suisse, un ménage sur sept fait face à des arriérés de paiement

Selon les derniers chiffres de l'Office fédéral de la statistique (2023), une personne sur sept en Suisse vit dans un ménage avec des arriérés de paiement. Une personne sur 20, soit 400 000 personnes, fait même l'objet de poursuites ou d'une procédure de faillite en cours sur la même période, selon les données de l'agence de renseignements économiques CRIF.

La possibilité d’apprendre à remplir une déclaration d'impôts, à établir un budget et à le respecter, dépend aujourd’hui beaucoup de la chance ou de la famille dans laquelle on naît.

Les raisons de l'endettement sont multiples: un revenu trop faible, un comportement d'investissement risqué, ou encore des difficultés importantes à gérer ses démarches administratives, par exemple. Bien souvent, le surendettement est toutefois lié à un coup du sort: une maladie, un accident, la perte d'un emploi, une séparation, un divorce ou un décès peuvent bouleverser la situation financière d’une personne.

La fameuse spirale de l'endettement s’enclenche, amenant avec elle des saisies sur salaire, le stress des poursuites et des courriers d’avocats, ou encore un préjudice lié aux poursuites sur le marché du travail… et les nouvelles dettes s’accumulent.

Un premier pas: tenir compte des impôts dans le minimum vital

Les crédits contractés pour éviter les poursuites contribuent bien sûr à cette dynamique infernale, mais aussi le fait que les impôts ne sont pas pris en compte dans le calcul du minimum vital au sens du droit des poursuites (BEX).

En effet, une personne concernée par une saisie sur salaire continue de devoir payer des impôts sur son salaire entier: elle accumule ainsi automatiquement de nouvelles dettes fiscales. Cela va bientôt changer: après l'approbation par le Parlement de la prise en compte des impôts dans le calcul du minimum vital au sens du droit des poursuites, le Conseil fédéral doit maintenant présenter un projet de loi concret.

Débat en cours: introduire une exonération de la dette résiduelle

Il s’agit d’un premier pas politique pour permettre aux personnes concernées de sortir de la spirale de l'endettement. Le deuxième sera la procédure d'assainissement par voie de faillite, , proposée par le Conseil fédéral et aujourd’hui en débat au Parlement. Cette procédure prévoit que les personnes désespérément endettées soient libérées de leurs dettes après une certaine période, pendant laquelle elles sont soumises à une obligation de remboursement (phase de prélèvement).

Aujourd'hui, plus de 48% des dettes des personnes qui consultent nos services de conseil en matière d'endettement sont des dettes envers l'Etat.

Une telle réduction de la dette bénéficierait non seulement aux personnes concernées et aux enfants et proches qui en dépendent, mais aussi à l'économie dans son ensemble: un nouveau départ, sans dettes, permet une réintégration dans le circuit économique, ce qui entraîne, outre une baisse des coûts sociaux et de santé, de nouvelles recettes fiscales.

Une réflexion à mener: déduire les impôts directement du salaire…

Un troisième levier pour éviter que les gens ne soient pris dans la spirale de l'endettement serait de déduire directement les impôts et les primes d'assurance maladie du salaire. Aujourd'hui, plus de 48% des dettes des personnes qui consultent nos services de conseil en matière d'endettement ont des dettes envers l'Etat: dettes fiscales, dettes de primes d'assurance-maladie prises en charge par les cantons et de contributions d'entretien.

...et donner des cours d'éducation financière à l'école primaire

Outre ces modifications légales, une meilleure éducation financière à l'école primaire pourrait contribuer à éviter que les gens ne tombent dans l'endettement en premier lieu. La possibilité d’apprendre à remplir une déclaration d'impôts, à établir un budget et à le respecter, dépend aujourd’hui beaucoup de la chance ou de la famille dans laquelle on naît.

Par ailleurs, la manière dont nous parlons d'argent (et de problèmes d'argent) doit évoluer. Il est nécessaire de trouver les moyens, lors d'événements critiques de la vie, de prendre des nouvelles de la santé mentale et physique d’une personne, mais aussi de sa santé financière. Pour permettre aux personnes d’obtenir un soutien suffisamment tôt, et ainsi se libérer plus facilement du poids des dettes, il faudra absolument briser le tabou qui entoure l’endettement.

 

**Les chiffres concernant les clients et clientes des services de conseil en matière d’endettement proviennent des statistiques des organisations membres de Dettes Conseils Suisse 2024
 

Commentaire

Pas de passe-droit, mais une deuxième chance

Le projet d’introduction d’une nouvelle procédure d’assainissement des dettes par voie de faillite (25.019 LP) suscite de nombreux débats: est-il vraiment juste qu’une dette puisse être annulée? Est-on en train d’encourager les comportements irresponsables? Ce scepticisme est compréhensible. Pourtant, un regard attentif permet de constater que cette réforme n’est pas un passe-droit pour un comportement de consommation irresponsable, mais bien une mesure avisée permettant de garantir une plus grande stabilité sociale.

La proposition est loin d'être laxiste: elle impose au contraire des conditions claires. Le ménage de la personne qui souhaite se désendetter doit disposer d'un budget stable et équilibré, et elle ne doit pas contracter de nouvelles dettes. Elle doit également exercer une activité professionnelle (ou fournir des efforts sérieux pour y parvenir) et céder, pendant plusieurs années, toutes les parts saisissables de ses revenus. En d'autres termes, la libération du solde de la dette n'est accordée que si la personne concernée a un comportement responsable. Quiconque ne remplit pas ces conditions reste soumis au régime normal de la dette.

Autre point important: le surendettement est rarement dû à l'insouciance des personnes touchées. La plupart du temps, l’élément déclencheur est une maladie, un divorce ou la perte d'un emploi. Sans perspective de désendettement, les personnes concernées restent durablement bloquées, avec de réelles conséquences pour la société et l'économie, comme une perte de main-d’œuvre et une augmentation des dépenses sociales.

Un désendettement équitable et contrôlé donne aux personnes la chance de prendre à nouveau des responsabilités - pour elles-mêmes, mais aussi au sein de leur famille et de la société. L'effacement des dettes résiduelles n'est pas une carte-blanche donnée à l’endettement, mais bien le signe distinctif d'un système juridique moderne.

Pascal Pfister, Directeur de l'association Dettes Conseils Suisse

Cet article est paru dans «Caritas regional». Le magazine des organisations Caritas régionales paraît deux fois par an.

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