Danny Khezzar: «Pour cuisiner, je suis mes émotions»

Demi-finaliste de l’émission Top Chef 2023, le jeune chef du restaurant étoilé Bayview à Genève est aussi un rappeur passionné. Il a côtoyé la précarité et n’oublie pas d’où il vient.

«Je viens d’un milieu modeste, mais il y a toujours eu à manger dans le frigo, car mes parents travaillaient beaucoup. J’ai grandi à Rosny-sous-Bois dans le 93 près de Paris où j’ai côtoyé la précarité. Il y a des avantages et des inconvénients dans ce contexte: on grandit vite et on devient mature très jeune. Cela m’a aidé par la suite. Le fait de voir que d’autres pouvaient se payer plein de choses a été moteur pour moi. Un accélérateur plus qu’un frein.

À la maison, c’était assez strict. J’avais des repères, l’exemple du travail bien fait, ce qui m’a beaucoup servi. Puis, il y a eu des opportunités et des rebondissements qui m’ont fait choisir le bon chemin plutôt que de m’égarer.

Aujourd’hui encore, je suis toujours entre deux personnages, deux milieux, deux extrêmes qui représentent toute ma vie.

Très tôt, j’ai eu la passion de la cuisine et de la musique en même temps. Je cuisinais pour la famille et j’avais la reconnaissance de mes parents. Mon grand-père était lui aussi cuisinier. Une passion culinaire qui a juste sauté une génération. À 12 ans, avec mon ami Vince, avec qui j’ai créé plus tard le groupe des Frères Bizzy, on a commencé à rapper dans le quartier. Je rêvais de réussir dans la musique, mais aussi dans la cuisine. C’était comme une carotte devant moi qui me donnait envie de m’ouvrir à d’autres univers. À 15 ans, mes parents ont économisé pour m’offrir un brunch au Ritz. Mon père m’a poussé à aller saluer le chef Michel Roth qui m’a proposé de faire un stage chez lui. Quand il est venu à Genève, il m’a invité à le rejoindre. J’ai commencé comme commis et j’ai grimpé les échelons pendant huit ans jusqu’à être chef aujourd’hui.

Je suis allé à l’école hôtelière à Paris en mettant un survêtement sur mon costume pour ne pas être embêté. Aujourd’hui encore, je suis toujours entre deux personnages, deux milieux, deux extrêmes qui représentent toute ma vie. D’un côté la cuisine, ma toque et mon travail dans différents palaces, de l’autre la vie de banlieue, le rap et mes dreadlocks. Un grand écart. Les deux univers me passionnent. Parfois l’un est plus fort que l’autre. Depuis Top Chef, c’est plutôt la cuisine, mais la musique est aussi très présente, même si j’ai un peu moins de temps pour elle actuellement. Dans «Sapo», un de nos morceaux qui a très bien marché avec plus d’un million de vues sur YouTube, il y a une phrase qui dit «Je viens d’en bas et je suis prêt à y retourner». C’est un message à transmettre à celles et ceux qui me suivent sur Instagram ou YouTube et qui rêvent de réussite. Il faut y croire, peu importe les barrières. Le travail paye. Une fois en haut, on peut le refaire plusieurs fois. Il ne faut pas avoir peur de ne pas réussir. Peur de l’échec. Ce sont les erreurs qui nous font avancer. J’ai raté la finale de Top Chef en prenant des risques, mais cela m’a aussi donné envie de réaliser des plats plus audacieux. J’ai changé ma manière de cuisiner en suivant mes émotions. J’adore quand, en écho, mon plat suscite une émotion chez une ou un client·e qui me dit que les saveurs l’ont fait voyager dans son enfance ou dans un autre pays.»