19.12.2024

«Je peux enfin voir mon avenir sereinement, ici à Genève»

Au bout de nombreux mois ou d'années d'effort, l'avenir s'est éclairci pour ces bénéficiaires du Service juridique de Caritas Genève. Témoignages.

Nouvelle vie pour Marcelita

L’histoire de Marcelita est un exemple des situations ubuesques auxquelles les juristes de Caritas Genève sont parfois confronté∙es. Avec, dans ce cas, une issue heureuse qui laisse entrevoir le meilleur pour l’avenir de cette jeune femme. 

Marcelita est née à Genève en 2004 d’une mère bolivienne, sans permis de séjour, et d’un père espagnol. Sa maman n’a jamais réussi, malgré ses démarches, à faire établir un passeport bolivien à sa fille. Quant au papa, il n’a jamais pu reconnaître sa fille et lui transmettre sa nationalité espagnole, dans l’impossibilité de produire certains documents d’état civil.

En vingt ans de vie à Genève, où elle a suivi toute sa scolarité et est parfaitement intégrée, Marcelita n’a donc jamais eu ni papiers d’identité ni autorisation de séjour… «J’ai commencé à réaliser cette situation dès la fin du cycle d’orientation, mais ma mère me disait que des démarches étaient en cours et qu’il fallait attendre», raconte la jeune femme.

La situation reste bloquée car la famille ne parvient pas à produire les documents d’état civil boliviens demandés par le consulat. Dans le quotidien de Marcelita, cela commence à être une source d’inquiétude, lors de rares passages de frontières ou même de déplacements en Suisse.

Un stage en entreprise

Le déclic intervient à l’issue des trois premières années de son CFC en école de commerce. La quatrième année, nécessaire à la validation du certificat et à l’obtention de la maturité professionnelle, est un stage en entreprise. Or il est impossible pour Marcelita d’être engagée sans autorisation de séjour, bien qu’un employeur soit intéressé. Elle doit renoncer…

La jeune femme prend alors les choses en main et se rend chez Caritas Genève. Le Service juridique la met d’abord en lien avec le Service social international, qui agit pour débloquer la situation en Bolivie. Au début de l’été 2024, alors que l’obtention du passeport bolivien est en bonne voie, Caritas Genève dépose une demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur.

Tout est entrepris pour que la jeune femme puisse démarrer son stage en entreprise à la rentrée scolaire. Heureusement, les autorités genevoises délivrent rapidement un préavis positif, qui sera validé par la Confédération en quelques semaines. Les choses bougent, enfin! Marcelita a démarré son stage à la rentrée et peut désormais souffler. Lorsqu’elle reçoit officiellement son permis B, début octobre, c’est un «grand soulagement». «Je peux enfin voir mon avenir sereinement, ici à Genève», se réjouit-elle.

Les «violations graves» d’une banque

Avant d’arriver dans les bureaux du Service juridique de Caritas Genève, Mme Pereira (nom d’emprunt) est passée par le Service de l’Action sociale. Surendettée, elle ne parvenait plus à s’en sortir et notamment à payer ses impôts. En analysant le dossier, son assistante sociale constate que Madame a contracté des crédits à la consommation en chaîne, dont le paiement des mensualités plombe sévèrement son budget.

Au fil des ans, les prêts accordés par la banque étaient de plus en plus élevés – 102'504 CHF pour le dernier en 2020, dont plus de 17'000 CHF d’intérêts – permettant en partie de solder les précédents qui n’étaient pas encore remboursés. Une spirale infernale! Or les banques sont tenues à certaines obligations légales, qui pourraient ici ne pas avoir été respectées.

Direction le Service juridique qui prend l’affaire en main. Fin 2021, Mme Pereira suspend immédiatement le paiement de ses mensualités et une négociation est tentée avec la banque. Selon Caritas Genève, l’établissement n’a pas respecté la Loi fédérale sur le crédit à la consommation (LCC), qui l’oblige à examiner la capacité financière du client à rembourser sans atteindre à son minimum vital, avant de lui accorder un prêt. Un budget doit notamment être établi.

La banque fait une autre analyse. Elle estime que la LCC ne s’applique pas ici car le montant élevé du prêt dépasse le seuil du simple crédit à la consommation. La négociation échoue et Mme Pereira est mise en poursuite. En août 2022, elle reçoit un commandement de payer portant sur un montant de près de 72'000 CHF, auquel elle fait immédiatement opposition.

L’affaire finit au Tribunal de première instance du canton de Genève. L’audience a lieu en novembre 2023 où Mme Pereira est représentée par Caritas Genève. L’argumentaire est soigneusement répété, avec tous les contrats de prêt à l’appui.

Un long combat pour l’asile

Mme Vettymani (nom d’emprunt) a demandé l’asile en Suisse en octobre 2020, après avoir réussi à fuir le Sri Lanka. Depuis plus de dix ans, la jeune femme était prise pour cible par les autorités sri lankaises du fait de son lien de parenté avec un sympathisant du mouvement indépendantiste des Tigres Tamouls (LTTE).

Condamnée en 2019 pour une première tentative de fuite illégale de son pays, elle était interrogée tous les trois mois par la police criminelle sri lankaise. Au cours de l’un de ces interrogatoires, Mme Vettymani a subi des violences sexuelles de la part d’un agent de police. Après cet épisode, et malgré les risques, elle a quitté son pays à la première opportunité.

Lorsqu’elle demande l’asile en Suisse, son dossier est attribué au canton de Genève dans le cadre d’une procédure étendue. Mme Vettymani se rend alors chez Caritas Genève qui agit comme Bureau de Conseil juridique (BCJ), mandaté par la Confédération. Catalina Mendoza, qui suit son dossier, l’accompagne lors d’une audition complémentaire où elle narre une nouvelle fois son histoire et ses traumatismes.

Toutefois, la décision qui tombe en juillet 2021 est négative. Selon le Secrétariat d’État aux migrations (SEM), le récit de Mme Vettymani n’est pas vraisemblable. L’asile lui est refusé avec décision de renvoi au Sri Lanka.

Caritas Genève décide de déposer un recours devant le Tribunal administratif fédéral (TAF). «C’était choquant car son récit était très vraisemblable à mes yeux et l’autorité doit tenir compte de ce qu’elle a vécu, notamment les violences sexuelles», relève Catalina Mendoza.

S’ensuit une longue attente, ponctuée de quelques échanges d’écritures, de près de trois ans. Mais le verdict,
qui arrive finalement en février 2024, a de quoi donner du baume au cœur. Le tribunal désavoue le SEM sur toute la ligne et reconnaît d’emblée «la vraisemblance générale qui se dégage du récit autobiographique de
la recourante», tant sur les persécutions politiques que sur les violences sexuelles en particulier. Il relève même
la «précision» et la «constance» dans son exposé des faits, confirmés par les «moyens de preuves versés au dossier».

Le recours est donc admis et Mme Vettymani est officiellement reconnue comme réfugiée. Une belle victoire
pour cette femme courageuse et pour le Service juridique de Caritas Genève. Depuis, Catalina Mendoza
continue à l’accompagner juridiquement dans le cadre d’une procédure de mariage civil avec son fiancé, rencontré
entretemps à Genève.