19.12.2024

Des juristes au front pour le bien commun

Chaque semaine, le Service juridique de Caritas Genève dégaine les armes du droit pour conseiller, défendre et accompagner de nombreuses personnes en difficulté.

Auteur Mario Togni

C’est un lundi matin ordinaire au secrétariat de Caritas Genève. Les réceptionnistes sont occupées à fixer les rendez-vous pour les permanences sociales et juridiques. Il n’est pas encore 10h et, comme très souvent, toutes les plages de consultations sont déjà réservées pour la semaine. Le répondeur automatique est enclenché: les suivant∙es devront retenter leur chance lundi prochain, ou s’adresser à une autre organisation...

Tous les lundis, une quinzaine de rendez-vous en moyenne sont fixés pour la permanence juridique généraliste de Caritas Genève, une prestation gratuite. Autant de situations, des plus simples aux plus complexes, qui soulèvent une grande variété de problématiques juridiques, mais aussi de réalités sociales délicates. «Les personnes que l’on accueille se trouvent généralement dans un moment difficile de leur vie. Au-delà du travail purement juridique, il y a une part importante d’écoute et de soutien», résume Catalina Mendoza, responsable du service qui regroupe actuellement dix collaborateurs et collaboratrices.

Les permanences sont assurées par le Pôle généraliste. Sur le planning de la semaine en cours, les situations sont sommairement décrites: «bourse d’études», «naturalisation», «permis de séjour étudiant», «refus allocation logement», «prestations complémentaires», etc. Chaque juriste du pôle assure en moyenne cinq rendez-vous hebdomadaires. Parfois, un simple conseil permet de régler l’affaire, ou de réorienter correctement la personne. Pour d’autres, un dossier est ouvert avec un suivi qui, dans certains cas, se poursuivra durant des années.

Expliquer la loi et son application

Réunis en colloque hebdomadaire, les juristes passent en revue quelques situations délicates, comme celle d’un jeune homme qui a perdu une partie de sa bourse d’études et espère encore changer la donne. L’équipe décortique l’arrêt de la Chambre des assurances sociales et analyse les calculs de revenus effectués par l’administration. «C’est très complexe, même avec un bagage juridique!», s’exclame Steve Tibila, avocat chez Caritas Genève. 

Le cas de figure est courant. La langue des administrations et des tribunaux est peu accessible au commun des mortels, c’est le moins qu’on puisse dire. Blaise Urben, civiliste au Service juridique, propose une image: «C’est un peu comme si vous avez un problème au genou et que le médecin vous envoie une radio sans la moindre explication!» Une part importante du travail consiste donc à expliquer la loi et son application.

Dans les autres dossiers de la semaine, la juriste Maya Belhadj expose un cas inédit. Une jeune femme étrangère, installée à Genève et au bénéfice d’un permis de séjour pour étudiante, a découvert que l’école privée dans laquelle elle était inscrite… n’existait pas! Une arnaque sur internet aux lourdes conséquences: son permis de séjour a été annulé, retour au pays à la clé. L’issue n’est toutefois pas définitive. Une nouvelle opportunité d’études à Genève pourrait lui permettre de rester. «Nous avons bon espoir qu’elle puisse poursuivre ses études en Suisse au bénéfice d’un nouveau permis», note la juriste. 

Au-delà du travail purement juridique, il y a une part importante d’écoute et de soutien

Catalina Mendoza, responsable du Service juridique chez Caritas Genève

Dans les méandres de l’asile

Changement de décor, autre séance hebdomadaire. Nous voici avec le Pôle asile du Service juridique de Caritas Genève, qui fonctionne différemment mais partage le même engagement.

Depuis 2019, l’association est mandatée par la Confédération comme Bureau de conseil juridique (BCJ) pour les requérant∙es d’asile en procédure étendue attribué∙es au canton de Genève. Un mandat qui a progressivement transformé le service puisque le domaine de l’asile occupe actuellement six juristes (dont deux renforts ponctuels), contre une seule il y a cinq ans.

«Le nombre de demandes d’asile est à un niveau très élevé et les procédures ont tendance à s’allonger», explique Catalina Mendoza, qui coordonne le pôle. Sur mandat du Secrétariat d’État aux migrations (SEM), Caritas Genève assure la représentation juridique des requérant∙es d’asile, notamment en les accompagnant lors d’auditions complémentaires sur les motifs d’asile.

L’association prend à sa charge d’éventuels recours. En moyenne cette année, 8 à 10 nouveaux dossiers arrivent sur la pile chaque semaine et quelque 10 à 12 auditions sont programmées chaque mois dans les centres fédéraux pour requérants d'asile.

Familles en pleurs

Le colloque va bon train. On y échange quelques informations utiles –comme ce nouvel avis de droit sur les renvois «Dublin» vers la Croatie–, puis les juristes se répartissent les auditions du mois de novembre qui viennent d’être transmises par le SEM. Parallèlement, l’équipe a pris le temps d’affiner son argumentaire juridique en vue d'une procédure et s’interroge sur une évolution récente dans la pratique des tribunaux concernant les ressortissant∙es de Turquie.

Ce moment, c’est aussi l’occasion pour les juristes d’échanger sur les cas en cours qui les préoccupent, voire qui pèsent sur le moral. Car les histoires d’exil partagées sont difficiles. Ici celle d’un père de famille géorgien, atteint d’un cancer incurable et soigné aux HUG, arrivé en Suisse il y a trois ans avec son jeune fils. Là celle d’une famille turque, déboutée de l’asile car la «procédure pénale pour propagande» intentée contre elle au pays n’est pas un motif d’asile pertinent selon les autorités suisses. «J’ai dû l’annoncer à la famille, ils étaient tous en pleurs», raconte Clémence Monnier, juriste en charge du dossier.

Dans la vie du Service juridique, chaque semaine amène ainsi son lot de détresse, de crainte et d’espoir. Heureusement, toutes les causes ne sont pas désespérées et les issues heureuses existent aussi! En témoignent les histoires suivantes, qui démontrent non seulement la diversité des compétences des juristes de Caritas Genève, mais aussi leur ténacité sans faille.

En chiffres (2023)

915

consultations en permanence juridique

890

dossiers suivis

367

dossiers suivis dans le cadre du mandat de Bureau de conseil juridique (BCJ)