17.11.2025
25 ans d’épiceries Caritas à Genève : un modèle solidaire qui perdure
Il y a vingt-cinq ans, la première épicerie Caritas voyait le jour à Genève. Depuis, ces magasins sont devenus un acteur incontournable de la solidarité. Retour sur une aventure humaine et sociale marquante.
En mai 2000, un “magasin (pas tout à fait) comme les autres” ouvrait ses portes rue Jean Violette. Première épicerie solidaire du canton de Genève, elle s'inscrivait dans un projet lancé sept ans plus tôt à Bâle, avant de s’étendre en Suisse alémanique, puis en Suisse romande. Pour Gladys Corredor, fondatrice du magasin genevois, cette initiative répondait à un constat clair : une montée de la précarité. Deux enquêtes menées en 1997 et 1999 faisaient en effet état d’une situation préoccupante de la pauvreté en Suisse, notamment pour les "working poor". En partenariat avec Caritas Suisse, ce projet visait donc à offrir “une solution immédiate aux problèmes quotidiens” des personnes touchées, comme le soulignait la brochure officielle.
L’idée était aussi de fournir une alternative aux distributions alimentaires, comme l’explique Gladys Corredor : “Nous voulions permettre aux gens d’avoir le choix des produits qu’ils achètent”. Entrer dans un magasin “presque” ordinaire, choisir ses produits et les payer était une manière de préserver la dignité des bénéficiaires et d’atténuer un potentiel sentiment de honte. “Nous faisions en sorte d’accueillir les gens chaleureusement, en offrant par exemple un thé ou un café. La dignité était au centre de notre démarche et je suis très fière qu’elle perdure encore aujourd’hui”, confie la fondatrice.
Vingt-cinq ans plus tard, la fréquentation n’a jamais été aussi élevée : 1,1 million de ventes en 2024 dans les 22 épiceries Caritas, un record. La situation des personnes en situation de pauvreté, elle, est toujours plus préoccupante : selon l'Office fédéral de la statistique, plus d'une personne sur six en Suisse n'a pas assez d'argent pour vivre. Un constat qui a poussé les épiceries à baisser leur marge récemment, pour tenter de soulager un peu plus le budget des ménages précaires.
Pour Olivier Dunner, responsable des épiceries à Caritas Genève, cette hausse de la fréquentation s’explique aussi par une meilleure visibilité : “En se faisant connaître, on a élargi notre clientèle. Aujourd’hui, les cartes d’accès sont distribuées par un grand nombre d’institutions dans plus de 100 lieux à Genève.”
Côté clientèle, pas de profil type, selon lui : “ C’est comme Tintin. Dans toutes les langues de 7 à 77 ans ! On y retrouve aussi bien des jeunes en études que des travailleurs et travailleuses précaires, des parents célibataires, des personnes retraitées ou des sans-papiers aussi, parce que la délivrance des cartes n’est pas liée au permis de séjour, fort heureusement. Donc vraiment, il n'y a pas de client type.”
Autre évolution : la composition des équipes. Autrefois, les clientes et clients étaient accueillis par des bénévoles et des personnes en réinsertion. Les épiceries se sont progressivement professionnalisées et sont aujourd’hui aussi des espaces d’insertion et de formation. Avec 6 apprenti·es et 11 collaborateur·ices en réinsertion, les deux échoppes genevoises offrent un cadre stimulant et bienveillant pour se former ou préparer un retour à l’emploi. Nicolas, apprenti AFP en 2e année à l’épicerie de Plainpalais témoigne : “J'ai été très bien accueilli quand je suis arrivé ici, ce qui est vraiment agréable. Et puis, bien sûr, il y a l'expérience humaine avec les clients qui me plaît beaucoup, ainsi que la rigueur de la vente”.
Malgré ces évolutions, l’objectif reste le même depuis 25 ans : rendre accessibles des produits de qualité aux personnes disposant d’un budget limité et ainsi leur permettre de manger sainement. Les produits, toujours frais, sont 20 à 40% moins chers que dans les commerces traditionnels : “C'est pour ça qu’on n'a pas de baguette de pain par exemple. Elle est à 1,20 chez Lidl et Aldi, donc on n'arrivait pas à être moins cher” explique Olivier Dunner. Les épiceries proposent un assortiment de base de plus de 250 produits de première nécessité, garanti toute l’année, complété par des articles ponctuels en fonction des saisons. Pour assurer l’approvisionnement, une centrale, commune à toutes les épiceries Caritas et située à Lucerne, reçoit des produits de plus de 300 fournisseurs (Migros, Coop, Denner, Spar…).
Et pour le futur ? “L’ouverture d’une troisième épicerie à Vernier, probablement en 2027”, annonce Olivier Dunner. Cette nouvelle enseigne viendra répondre à un besoin croissant, constaté aussi bien à Genève qu’ailleurs en Suisse. Et même si le responsable aimerait qu’un jour ces magasins n’aient plus de raison d’exister, force est de constater que pour l’instant, ils restent indispensables.