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Vers Vous: pour faciliter l’accès au dispositif social et lutter contre le non-recours

De nouvelles permanences sociales à Lausanne et Renens ont été mises en place pour faciliter l’accès au dispositif social existant ainsi que lutter contre le non-recours d’une population précarisée.

Texte : Céline Hostettler

Comment joindre les deux bouts?

Cette expression familière désigne habituellement l’idée de ne plus réussir à payer ses factures. Mais en prenant un peu de recul, elle pourrait aussi symboliser un écart dans le système social vaudois : d’un côté, des milliers de personnes dans la précarité, voire pauvreté, qui pourraient demander des aides, mais ne le font pas ; de l’autre, un système social aux multiples facettes qui pourrait les soutenir, mais ne le fait pas automa- tiquement. Dans le jargon, cet écart entre une aide disponible mais dont la personne ne bénéficie pas est appelé le non-recours. Pour diminuer le nombre de cas, une meilleure compréhension est indispensable. Non seulement une meilleure compréhension du système par toutes les personnes dans le besoin qui pourraient en bénéficier, mais également une meilleure compréhension de la part des institutions sociales des raisons qui freinent la population à pousser la porte d’un bureau pour demander de l’aide. C’est là que le projet « Vers Vous » entre en jeu.

Permanence sociale sophie vers vous

Depuis octobre 2023, cette nouvelle prestation, un projet pilote de deux ans soutenu par le canton de Vaud, consiste à déplacer des assistant∙e·s sociaux∙ales dans des lieux de vie fréquentés par des personnes qui ont très peu de moyens : le Point d’Eau de Lausanne, la distribution alimentaire de l’église Saint-Jacques, notre Épicerie Caritas Vaud de Renens ainsi que la Maison des Lionnes. En sortant les assis tant·es sociaux∙ales de leur bureau respectif, l’objectif est de permettre à la population concernée d’avoir un premier point de contact privilégié pour être informée, renseignée et orientée vers les prestations et soutiens sociaux auxquels elle pourrait avoir accès.

Ce premier point est crucial, car il représente l’un des chaînons manquants pour «joindre les deux bouts» et endiguer petit à petit le non-recours par exemple. Plus une situation difficile peut être gérée rapidement, plus il y a de chances que le ou la bénéficiaire puisse s’en sortir ou a minima stabiliser sa situation au lieu de s’enliser dans un cercle vicieux.

Premiers constats

Célien, assistant social au sein de Caritas Vaud, assure la permanence au Point d’Eau de Lausanne deux demi-journées par semaine. Sur place, les personnes dans la précarité peuvent bénéficier de prestations d’hygiène (douche, lessive, coiffure, etc.) et de consultations médicales (soins infirmiers et médicaux, ostéo- pathie, soins dentaires, etc.). Depuis octobre dernier, elles sont écoutées et réorientées par lui, en fonction de leurs problématiques sociales. Le public est varié, allant de personnes sans-papiers aux working poor. Célien peut également accompagner, dans le cadre de suivis, celles et ceux dans le besoin durant une durée limitée, jusqu’à ce qu’un partenaire prenne le relais ou que la situation soit résolue.

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Ce qui frappe le plus le jeune homme est justement cette méconnaissance du système:

Beaucoup ne demandent pas le subside (à l’assurance-maladie), ne sachant pas qu’ils en ont le droit. Certain∙e·s ont la crainte erronée qu’ils vont perdre leur travail ou leur statut s’ils le demandent.

D’autres ont une lourde décision à prendre qui pèse dans la balance : un calcul cornélien entre s’endetter pour payer son assurance ou prendre le risque de ne pas s’assurer. On comprend déjà mieux pourquoi il n’est pas si facile de demander des aides pourtant légales.

Même son de cloche pour Sophie, également assistante sociale au sein de Caritas Vaud, qui travaille dans trois sites différents (l’Épicerie de Renens, la Maison des Lionnes ainsi qu’à la paroisse Saint-Jacques). Elle rajoute au constat précédent :

Les gens sont fatigués et essorés par un système qui les renvoie d’un bureau à l’autre.

Parfois, une crainte ou une méfiance des institutions sociales s’installent selon les expériences de chacun∙e. Les constats de Célien et Sophie permettent d’étoffer les clés de compréhension qui favorisent le non-recours : par méconnaissance, par honte, par crainte erronée de perdre un travail, par peur de la stigmatisation ou en raison d’un accès compliqué à cause des démarches administratives.

Après ces premiers mois d’activité, ils ont réalisé 127 consultations sociales au cours des 50 permanences effectuées au sein de 4 lieux de la région lausannoise. Si ces permanences sociales sont désormais bien implantées au Point d’Eau de Lausanne, elles doivent encore se faire davantage connaître du réseau et des usager∙ère·s pour les autres lieux. Au fil du temps, une confiance s’installera en même temps que le bouche-à-oreille fera son chemin auprès de celles et ceux qui en ont besoin. Mais les premiers résultats sont encourageants et la nécessité d’un tel dispositif n’est plus à mettre en doute.

7

mois d'activité

127

consultations sociales

50

permanences à Renens et Lausanne